Champignon, Inonotus obliquus, Chaga
Inonotus obliquus (Fr.) Pilàt
1. Médecine traditionnelle
Inonotus obliquus, plus connu sous le nom de Chaga, est un champignon parasite qui pousse principalement sur le bouleau dans les forêts froides d’Europe du Nord, de Sibérie, du Canada et de l’Alaska. Il est utilisé depuis des siècles dans la médecine traditionnelle sibérienne, russe et dans la médecine des peuples autochtones d’Amérique du Nord pour ses propriétés médicinales remarquables. On l’emploie en infusions et décoctions pour ses effets antioxydants, anti-inflammatoires, immunostimulants, antibactériens, antiviraux, antitumoraux et hypoglycémiants. Le Chaga est traditionnellement utilisé pour traiter les troubles gastro-intestinaux, les maladies hépatiques, cardiovasculaires, les inflammations chroniques et pour renforcer la vitalité globale. En médecine populaire russe, il est aussi recommandé pour soulager les douleurs intestinales et comme tonic fortifiant pour les chasseurs et forestiers .
2. Études scientifiques
Depuis les années 1950, le Chaga a fait l’objet de nombreuses études, particulièrement en Russie, Corée et Japon. Ces recherches ont identifié plusieurs polysaccharides, triterpènes, antioxydants puissants et composés phénoliques responsables de ses nombreux bienfaits. Des études récentes (2024) ont confirmé ses effets anticancéreux en inhibant la croissance des cellules tumorales, ses propriétés immunomodulatrices et ses vertus pour la gestion du diabète et des maladies cardiovasculaires (coronaropathies, hypertension) .
3. Composition
Le Chaga est riche en :
Polysaccharides : immunostimulants, anti-inflammatoires
Triterpènes : anti-tumoraux, antioxydants
Composés phénoliques : antioxydants très puissants, responsables de sa couleur noire intense
Bétuline et bétuline acide : extraits du bouleau hôte, possèdent des propriétés anticancéreuses et antivirales
Sels minéraux : fer, potassium, calcium, magnésium contribuant aux effets tonifiants .
4. Botanique
Inonotus obliquus est un basidiomycète de la famille des Hymenochaetaceae. Il provoque un chancre noir sur le tronc des bouleaux (et occasionnellement d’autres feuillus). Ce champignon parasite se présente sous la forme d’une masse dure, irrégulière, noir charboné à l’extérieur, orange en coupe, semblable à un encrier. Son habitat naturel comprend les régions boréales froides et tempérées (Russie, Scandinavie, Canada). Sa présence cause la mort progressive de l’arbre hôte .
5. Parties de plante utilisées et préparation
Partie utilisée : le concolore dur (le “chancre” noir) récolté sur les bouleaux.
Préparation traditionnelle : poudre séchée infusée ou décoction longue (zavarka) consommée comme thé. En Sibérie et Russie, on consomme la décoction chauffée, parfois froide. On applique aussi localement la poudre ou les extraits sous forme d’onguent (traitement des plaies, brûlures).
Méthode moderne : macérations, extraits standardisés pour compléments alimentaires et pharmaceutiques.
Macération Quantique© (Laboratoire Gemmessence) : Cette méthode adaptée ait employée pour extraire les principes actifs du Chaga, macérant la matière sèche du mycélium dans un mélange énergétiquement informé d’alcool, sirop d’agave et eau, préservant l’équilibre des constituants tout en renforçant leurs qualités thérapeutiques.
6. Usages ethnobotaniques
Russie et Sibérie : depuis l’antiquité, les populations utilisent le Chaga pour stimuler la résistance aux maladies chroniques, soulager troubles digestifs, infections pulmonaires, et favoriser la longévité.
Peuples autochtones d’Amérique du Nord (Gitksan, Wet’suwet’en, Dena’inas) : utilisé en moxibustion pour soulager douleurs articulaires et arthrose, et consommé comme thé.
Pologne, Biélorussie, Corée, Japon : intégration dans médecine traditionnelle locale pour troubles digestifs, foie, peau .
Russie
Le Chaga est profondément enraciné dans la médecine traditionnelle sibérienne et russe, où il est utilisé depuis au moins le XIe siècle, selon les premières mentions écrites, notamment par Avicenne. La masse noire appelée « chaga » est récoltée sur les bouleaux, broyée puis infusée en décoction, souvent consommée comme un thé doux-amer pour renforcer la vitalité générale, traiter les troubles gastro-intestinaux, les infections respiratoires, la tuberculose, la gastrite, les problèmes hépatiques et les maladies cardiovasculaires. Les populations rurales et forestières le considéraient comme un remède universel favorisant la longévité et la résistance aux maladies chroniques.
Applications médicinales : infusion ou décoction de morceaux de Chaga est consommée pour lutter contre le cancer, la gastrite, les ulcères, la tuberculose, et pour traiter les maladies inflammatoires des voies respiratoires
Propriétés profilactiques : en Russie, on croit traditionnellement que le Chaga aide à réguler la circulation sanguine, à renforcer le système immunitaire et à prolonger la vie. Il est souvent pris en cure de 2 à 3 semaines, notamment lors de l’hiver pour renforcer la résistance face au climat rigoureux.
Sibérie
Les peuples autochtones sibériens, tels que les Khanty, Yamal, et Nenets, utilisent le Chaga depuis des siècles dans leurs rites de guérison. La tribu des Khanty, notamment, considérait le champignon comme un emblème de longévité et de santé : ils râpaient le Chaga pour faire une infusion amère, qu’ils utilisaient pour ses vertus immunomodulatrices et anti-inflammatoires.
Usages spécifiques : le traitement des infections respiratoires, des bronchites chroniques, ainsi que des troubles digestifs et hépatiques, étaient courants dans la médecine traditionnelle.
Préparations : en Sibérie, la méthode la plus courante était la décoction longue, en faisant mijoter de petits morceaux de Chaga dans de l’eau, souvent avec ajout de plantes médicinales locales comme la camomille ou le bouleau. La tisane était souvent consommée quotidiennement durant l’hiver, en tant que tonique et protecteur contre le froid et la faiblesse.
Rituels : la récolte du Chaga est effectuée dans le respect de rituels anciens pour respecter l’arbre hôte, souvent lors de cérémonies saisonnières, en exprimant gratitude à la forêt et à la nature.
On retrouve dans la tradition l’usage d’une « eau de savon » obtenue par incandescence du champignon en feu plongé dans l’eau, utilisée en désinfection pendant les accouchements. Le Chaga est également consommé froid, en infusion ou sous forme de poudre. Des usages topiques existent sous forme d’onguents pour soigner plaies et brûlures (Wikipedia, 2012; AuJardin, 2007).
De plus, en médecine vétérinaire russe, le Chaga est ajouté à l’alimentation des animaux pour stimuler leur croissance; en agriculture, il est employé comme protection contre certaines maladies des plantes dans les fermes sibériennes.
Amérique du Nord (Canada, Alaksa)
Chez les peuples autochtones comme les Gitksans, Wet’suwet’en en Colombie-Britannique, ainsi que chez les Dena’inas de l’Alaska, le Chaga est utilisé depuis des siècles pour ses propriétés thérapeutiques. Il sert en particulier pour les douleurs articulaires, l’arthrite, les inflammations et les infections respiratoires, principalement via des infusions et la moxibustion (application de chaleur produite par brûlage) sur les zones douloureuses. Ces peuples attachent aussi un fort symbole spirituel au champignon, considéré comme prolongateur de vie et protecteur des forces vitales
Usage thérapeutique principal :
Traitement des douleurs articulaires telles que l’arthrite et l’enflure (moxibustion, application de chaleur avec du Chaga sur la zone douloureuse).
Usage fréquent pour soigner les infections respiratoires chroniques, les troubles digestifs, et diverses inflammations.
Certains chamanes l’utilisent aussi dans des rites de guérison où le Chaga est symboliquement lié à la force vitale et à la longévité.
Symbolisme et spiritualité : Le Chaga est perçu comme un « régénérateur » et un protecteur, au cœur de la relation entre l’homme, la forêt et l’esprit. Il est incorporé dans les cycles saisonniers de récolte et de guérison, avec une grande considération pour la nature respectée pendant la cueillette.
Europe du Nord et de l’Est (Pologne, Biélorussie, Scandinavie)
Le Chaga est présent dans la pharmacopée populaire d’Europe de l’Est au minimum depuis le Moyen Âge, en Pologne et en Biélorussie. Il est traditionnellement utilisé pour soigner les troubles digestifs, les inflammations et comme tonique général. En Scandinavie, il est reconnu depuis l’époque médiévale pour ses vertus médicinales.
Chine, Corée, Japon
Le Chaga, est utilisé dans la médecine traditionnelle chinoise et coréenne pour renforcer le système immunitaire, augmenter l’énergie vitale (Qi) et réguler la digestion. Il est consommé en décoction ou sous forme d’extraits concentrés, parfois intégré dans des formules complexes. Le Japon utilise aussi le Chaga dans des produits pharmaceutiques et nutraceutiques modernes avec reconnaissance de ses propriétés anticancéreuses.
7. Traditions, rituels et spiritualité
Le Chaga est perçu comme une plante sacrée, un don de la nature, associée à la purification, la protection et la vitalité. Chez les Siberiens, la collecte s’accompagne de rites pour respecter l’arbre hôte. Sa couleur noire intense symbolise la force vitale intérieure. Des rituels d’offrande et de remerciement sont pratiqués, intégrant cette plante dans le cycle de vie et de mort des forêts .
8. Histoire et anecdotes
Utilisé depuis au moins le XIe siècle, mentionné par Avicenne comme remède puissant.Le passage d’Avicenne (Ibn Sina) mentionnant un champignon aux propriétés médicinales comparables au Chaga n’apparaît pas sous le nom “Chaga” explicitement dans ses écrits, car ce terme est propre aux traditions sibériennes et russes. Cependant, son ouvrage fondamental, le Canon de la Médecine (Al-Qanun fi al-Tibb), recense plusieurs champignons et substances naturelles utilisées pour traiter les inflammations, les troubles digestifs et respiratoires, qui correspondent aux usages traditionnels du Chaga. Plus précisément, les références à un champignon parasite des arbres avec des vertus anti-inflammatoires et hépato-protectrices sont considérées par certains chercheurs comme une allusion explicite au Chaga.
Une légende russe raconte que Vladimir Monomaque, grand-prince du XIIe siècle, aurait guéri un cancer grâce à la consommation de ce champignon.
En URSS, il est entré dans la pharmacopée d’État dans les années 1950 sous forme de préparations standardisées (Infusum fungus betulinus, Befunginum).
Aujourd’hui, il est largement commercialisé comme complément alimentaire en Europe, en Asie et Amérique du Nord, avec un essor accru depuis les années 2000.
Références
Avicenna, The Canon of Medicine, traduction anglaise annotée par Laleh Bakhtiar et autres, éditions Kazi Publications.
Russie et Sibérie
Textes de la pharmacopée russe classique, notamment les archives soviétiques sur la phytothérapie du XXe siècle (ex. Infusum fungus betulinus dans les collections pharmaceutiques russes).
Ouvrages anciens de médecine populaire sibérienne, manuscrits ethnographiques locaux souvent conservés dans les bibliothèques d’Irkoutsk ou du musée ethnographique de Saint-Pétersbourg (exemple : collections du Musée d’Ethnographie de Russie).
Ethnographies :
S. P. Vasil’ev, Ethnobotanique de la Sibérie du Sud, 1985.
A. I. Ivanov, Usages traditionnels des champignons en Sibérie, 1992.
Articles ethnographiques y compris les travaux d’Anna Zaitseva sur les savoirs forestiers sibériens (2000-2010).
Canada et Alaska (Peuples autochtones)
Recueils de mythes et savoirs oraux des Gitksan, Wet’suwet’en, Dena’inas, notamment les archives conservées dans la bibliothèque de l’Université de la Colombie-Britannique et d’Alaska.
Enregistrements d’entretiens réalisés par anthropologues comme Wilson Duff (20e siècle) ou plus récents (ex. études compilées par l’ONG First Nations Studies Program).
Ethnographies :
Robin Ridington, Wildlife and People in Northern Canada, 1988.
Valerie J. Segrest, Traditional Healing Practices of the Dena’ina, 2005.
Publications dans Journal of Ethnobiology traitant des usages médicinaux dans l’Arctique.
LM Johnson, « Gitksan Traditional Plant Use and Healing », 1997, Doctorat, Université de la Colombie-Britannique
Documentations sur les Wet’suwet’en et échanges culturels avec les Gitksan, Université de la Colombie-Britannique, ethnoécologies régionales
Observations ethnobotaniques compilées dans les revues d’ethnobiologie et d’anthropologie culturelle nord-américaine.
Europe de l’Est (Pologne, Biélorussie) et Scandinavie
Archives folkloriques recueillies dans les centres universitaires de Varsovie et Minsk (extraits des herbariums et dossiers médicinaux populaires).
Manuscrits historiques du Moyen Âge relatant l’usage médicinal des champignons dans la pharmacopée populaire européenne (Archives nationales polonaises et biélorusses).
Ethnographies :
Malgorzata K. Zalewska, Ethnobotany of Poland, 2004.
Z. Rataj, Traditional Mushroom Use in Eastern Europe, 1991.
Études comparatives scandinaves dans Nordic Journal of Botany.
Chine, Corée, Japon
Textes classiques médecine chinoise, tels que le Ben Cao Gang Mu (Compendium de Matières Médicinales) de Li Shizhen, mentionnant les usages de champignons médicinaux.
Archives pharmaceutiques traditionnelles coréennes et japonaises conservées dans les bibliothèques nationales respectives.
Ethnographies :
Liu Chun, Traditional Use of Medicinal Mushrooms in China, 1999.
Kim Young-keun, Ethnopharmacological Approaches in Korea, 2007.
Articles dans le Journal of Traditional and Complementary Medicine.
Sources méthodologiques et approches de terrain
Marcel Mauss, Manuel d’ethnographie (UQAM), offrant les outils pour l’observation et la collecte de données sur les savoirs traditionnels .
Articles sur la méthode d’ethnographie rapide et comparative en terrain multisitué (Recherches Qualitatives, 2021) .
Ressources universitaires sur les sources primaires, notamment bibliothèques universitaires d’Ottawa et Laval .